C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule.
C’était le jour du solstice d’été. Le jour le plus long de l’année. Kevin accourut vers les toilettes, et vomit de tout son sou. Putain tu gères pas, il est seulement une heure du mat’ se blâma-t-il. Il ne se sentait pas bien du tout. La musique techno qui envahissait la pièce d’à côté semblait lointaine. Il vomit de nouveau. Il n’avait pas l’impression d’avoir bu tant que ça pourtant, il avait fumé beaucoup aussi mais d’habitude il tenait au moins avant trois heures du matin. Ses potes allaient se moquer de lui lorsqu’il allait ressortir. Et finalement, il n’avait même pas envie de retrouver les autres. Il tira la chasse d’eau, referma le couvercle sur la cuvette et déposa sa tête dessus. Il était fatigué, fatigué de cette superficialité constante. Fatigué de se retrouver tous les samedis soirs dans des foutus toilettes. Fatigué de devoir se droguer pour s’amuser, et pour ne pas passer pour un ringard. Mais il faisait tout ça pour oublier que sa vie n’avait pas de sens, pour faire semblant d’être heureux, pour essayer de se convaincre lui-même qu’il l’était en tout cas. Mais cette nuit, le voile qui embrumait ses pensées s’était échappé, il était soudainement complètement lucide. Il aimait cette sensation, d’enfin comprendre. Dans ces soirées, les jeunes comme lui voulaient oublier, même inconsciemment, la routine écrasante des jours moroses. Tout le monde n’était pas malheureux, non. Mais personne n’était heureux. Kevin trouvait la condition humaine si pathétique parfois. Condamnés à vivre, condamnés à rêver du bonheur, condamnés à le frôler du bout des yeux, condamnés à sourire. Il aurait voulu échapper à cette tragédie. Mais il savait déjà ce qui allait se passer. Le brouillard reviendrait, il oublierait cette brusque mélancolie cynique avec la gueule du bois du matin. Rien ne changera. Il se leva difficilement lorsqu’il entendit les rires de ses amis se rapprocher des toilettes. Il fit son sourire le plus sincère et ouvrit la porte.